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Melika Shafahi
Rapproche, 2019
Parcours de 9 photographies réalisées par l’artiste dans le cadre du programme
Résidences Méditerranée, à découvrir sur les murs extérieurs de la Friche la Belle de Mai
Melika Shafahi est la première artiste Iranienne à s’inscrire dans le dispositif Résidences Méditerranée développé par la Friche la Belle de Mai en partenariat avec Fræme pour le tutorat en arts visuels. Le projet, initialement mis en place avec les instituts du Maroc puis d’Algérie, voit ici un développement inédit à travers la mise en route d’un programme de résidences croisées fondé sur une approche multi-partenariale avec l’Ambassade de France en Iran et Kooshk Residency à Téhéran.
Le travail de Melika Shafahi à la Friche la Belle de Mai s’est nourri des nombreux usagers du site que sont les adolescent·es. Devenus partie intégrante de l’identité du site, ces groupes hétérogènes de jeunes occupent autant les espaces qui leurs sont dédiés, playground, piste de danse etc., que les nombreux lieux borgnes lorsque les précédents deviennent trop publics pour leurs activités.
Ils sont aussi la Friche d’aujourd’hui, et leur fréquentation du lieu vaut aussi pour ce qu’il abrite. Sans avoir à être les spectateur·rices des projets qui se font ici, il leur suffit de savoir que c’est là, qu’ici des artistes travaillent, des concerts hurlent, des récits se disent sur scène et des œuvres s’exposent, créant une alchimie agissante qui visiblement échappe aux désirs de l’opérateur culturel. La Friche avec en arrière-plan tout un développé programmatique est devenu leur terrain de jeu et cela leur convient. Melika Shafahi, dans un lent travail d’approche et par ses mises en scène, opère ici un premier renversement de cet état des lieux, usant de sa pratique comme d’un processus d’inclusion inédit où les tribus d’adolescent·es deviennent aussi des acteur·rices culturels.
Melika Shafahi est née en Iran en 1984. Comme le reste de sa génération née après la révolution islamique de 1979, elle a grandi en négociant avec les paradoxes de la vie iranienne contemporaine : l’influence de la culture de consommation américaine contre la religiosité austère de l’État ; les divisions entre sphères publiques et privées. Après une formation en photographie à Téhéran, Melika Shafahi a étudié à l’École des Beaux-Arts de Lyon et elle vit maintenant entre Téhéran et Paris. Cette formation, fondée sur le contraste et l’hybridité, a été essentielle dans son travail d’artiste.
À partir de ces années formatrices, l’artiste travaille souvent en créant des mises en scène méticuleuses et colorées – on pourrait même dire théâtrales – à grande échelle qui reflètent sa propre hybridité, combinant la lumière et la composition typique de la peinture Renaissance avec des références visuelles orientales.
Dans son travail récent, Melika Shafahi explore la culture sociale mondialisée, une esthétique qui elle-même brouille les frontières entre artificiel et réel, faits et fictions, embrassant leur impact sur le comportement de toutes les sociétés.
Melika Shafahi est soutenue par Kooshk Residency à Téhéran.
« Mon travail tourne autour de la question du lien entre des individus et des lieux. Pour cette résidence à la Friche Belle de Mai, je me suis intéressée aux jeunes qui fréquentent la Friche. Ce sont eux que l’on voit en premier en entrant à la Friche ; ils sont une part importante de son identité. Dans cette série, j’ai voulu aborder le site de la Friche en tant qu’espace social, lieu de vie et de mixité. La diversité des installations draine, dans une même enceinte, des publics variés, dont certains ne se rencontrent que très rarement. Ces mondes différents n’ont pas obligatoirement d’interactions directes, toutefois, ils partagent un lieu où les uns et les autres intègrent le paysage quotidien de chacun.
Les jeunes qui ont posé pour mes clichés ont grandi avec internet. Ils·elles sont depuis toujours exposé·es à une masse indistincte d’images. Ils·elles sont eux·elles-mêmes producteur·rices d’images. À travers les réseaux sociaux, ils·elles se sont habitué·es à passer par le truchement d’une mise-en-scène photographique dans leurs rapports à l’autre.
Dans chacune de mes photographies, mes modèles se voient attribuer un tissu et une image comme accessoires. Les tissus sont souvent très colorés, parfois clinquants, imitant les codes du luxe. Ce sont des tissus issus de l’apparat populaire. Les images insérées aux mises en scènes sont des photographies, soit glanées sur un moteur de recherche, soit de l’artiste Torbjorn Rodland, dont le travail joue de cette ambiguïté entre googlisation des icônes et œuvres d’art.
Généralement assez indifférent·es à ces accessoires, les modèles ont toutefois accepté de poser avec, afin d’aboutir à une image publique.
Dans cette série, j’ai donc photographié des jeunes de la Friche, mis-en-scène à l’intérieur de la Friche. Le dispositif est centré sur ces jeunes dont le rapport aux images est aussi riche que complexe. Il ne s’agit pas, à proprement parlé, d’en faire le portrait, mais plutôt de questionner la façon dont ils·elles se représentent eux·elles-mêmes, et ce qu’ils·elles acceptent de montrer aux autres.
J’ai aimé être celle qui, pendant quelques mois, a eu le rôle de chef d’orchestre de ce projet collectif, effaçant toute différence sociale et générationnelle, le moteur ici étant de les ouvrir à des concepts, de leur offrir des gestes, des espaces de réflexion, qu’ils·elles deviennent les acteur·rices de projets artistiques liés à leur relation avec un espace dont ils sont aussi les habitant·es. »
Melika Shafahi
Avec le soutien de l’Ambassade de France en Iran
Depuis 2015, la Friche la Belle de Mai et l’Institut Français du Maroc ont initié le programme “Résidence Méditerranée”. Elargi en 2017 avec l’Institut Français d’Algérie et en 2018 avec l’ambassade de France en Iran, ce dispositif de résidences a pour objectif l’accueil d’artistes émergent·es marocain·es, algérien·nnes et iranien·nnes à Marseille pour encourager leur mobilité en Méditerranée : cette résidence à la Friche leur propose un cadre de recherche et de création sur mesure qui leur permet de développer leur pratique artistique et de (re)découvrir la scène artistique française. Fræme a été sollicitée pour accompagner les artistes de ce programme afin de créer de nouvelles collaborations et d’assurer une visibilité des travaux en cours.
Visites sur rendez-vous : mlp@fraeme.art