SISSI club

Discussion menée avec Élise Poitvin et Anne Vimeux, fondatrices de SISSI.

Sur la rencontre…

On s’est rencontrées à la fac, nous étions toutes les deux en études d’histoire de l’art à Aix-Marseille Université durant lesquelles on a travaillé chacune à la rédaction d’un mémoire sur des sujets distincts.

Anne Vimeux – Je me suis intéressée à la peinture figurative et à la notion de mauvais goût dans l’histoire de l’art tout d’abord à travers une étude du courant de la Figuration Narrative à travers le cinéma puis en réalisant une monographie sur l’œuvre de Nina Childress.

Élise Poitevin – De mon côté j’ai étudié l’histoire de l’art à Marseille à partir des années 60 jusqu’à nos jours, plutôt l’histoire de l’art contemporain donc. Mes axes de recherches se sont construits autour des questions liées à l’identité d’un territoire par rapport à ses collections publiques. J’ai cherché à comprendre comment les collections publiques et la politique d’acquisition d’œuvres, peuvent parler du territoire et de son identité. Qu’est-ce que les collections publiques disent d’un territoire ? Comment elles l’orientent ?

On est devenues amies en travaillant sur ces sujets. Ça a été une rencontre autour de réflexions et d’intérêts communs, mais aussi de positionnements intellectuels et esthétiques.

Sur la naissance de…

On a fini nos études en 2017, et dans la foulée, on a commencé à écrire une exposition qui allie nos sujets de recherche à partir d’œuvres d’étudiant·e·s des Beaux-Arts de Marseille. Il s’agissait également pour nous de questionner la notion de légitimité, le statut d’artiste et de chercheur·euse en art et de penser une approche horizontale, de faire ensemble sans être sous le joug d’une institution, de s’émanciper du système scolaire. Cette exposition s’est appelée « FIRST SIGHT » et s’est découpée sous la forme d’un cycle de trois expositions durant une année à l’ouverture de notre lieu. Par celles-ci, nous avons commencé à œuvrer dans une démarche d’accompagnement et de valorisation d’étudiant·e·s et de jeunes diplômé·e·s des Beaux-Arts et à « faire nos armes » en tant que curatrices par nos propres moyens.

Quant à l’espace, on a été à la recherche d’un lieu pendant près d’un an et demi pour accueillir le projet jusqu’à décider d’ouvrir notre propre local. C’est celui dans lequel nous sommes aujourd’hui. Cet espace on aime à le qualifier de « project space », on y fait des expositions avec des projets in situ, pensées pour le lieu avec les artistes avec qui l’on travaille et à partir de sujets de recherche et de questionnements esthétiques, politiques qui nous sont chers.

Pendant deux ans, le lieu a été auto-géré. Nous avons donc dû réfléchir quotidiennement aux possibilités économiques, de subsistances en passant par le bar associatif, la vente d’œuvres, et des subventions de projet afin de faire fonctionner le lieu et payer les artistes. Depuis cette année, on est soutenues par la ville de Marseille, et nous avons décidé d’affirmer notre travail en tant que galerie à la suite d’invitations à des foires internationales. Nous sommes associées à cinq artistes, Aurilian, Camille Bernard, Inès Di Folco, Léna Gayaud, Luisa Ardila et nous présenterons leurs pratiques au sein de deux-trois foires cette année.

Estel Fonseca, Nouveau postulat : La survie des plus adaptés, 2022, Médiums mixtes, 50×80 cm, SISSI Club, Murmurations volet I, 2022, à la Friche la Belle de Mai, exposition produite par Fræme

Sur le nom…

Alors l’association s’appelle SISSI, et on distingue deux types d’activités.

SISSI c’est l’entité curatoriale, et SISSI club c’est le lieu.

SISSI ça vient de plusieurs choses, plus ou moins anecdotique parfois.

D’abord d’un texte de Nina Childress, qui s’appelle « L’effet Sissi » qui aborde la question de la représentation à travers la figure de Sissi l’impératrice et de ses multiples interprétations.

Puis ça fait également référence au tarot de Marseille, parce que l’impératrice qui est la 3ème carte représente un moment de passation, un entre deux, notamment entre différents stades que peuvent être l’enfance, l’adolescence, l’âge adulte. C’est quelque chose qui mute dans une sorte d’énergie effervescente. On avait 24 ans à l’époque donc c’était assez cohérent et en adéquation à ce moment de notre vie et de notre parcours.

On a ajouté « club » quand on a eu le lieu, parce qu’à l’époque on se posait beaucoup de questions quant à la définition de cet espace. Le terme « club » évoquait l’idée de rassemblement, d’un espace physique – ou non – qui lie par des goûts ou des envies communes.

Sur la direction, le positionnement…

Élise Poitevin – Pour ma part le rapport au territoire reste un sujet important pour mes recherches. Je suis née à Marseille, et ma famille habite la ville depuis quatre générations aussi. À un moment j’ai pu observer, et être témoin de nouvelles dynamiques à l’œuvre à Marseille, notamment parce que l’on voyait des lieux s’ouvrir, une forme d’émulation associative etc. Au cours de mes recherches, j’ai pu voir que ce n’était pas un phénomène nouveau, mais bien une histoire en dents de scie. C’est important pour moi d’étudier le territoire, de comprendre les dynamiques sociologiques, politiques (poétiques ?) à l’œuvre. Donc l’idée c’est aussi de faire les choses en conscience par rapport notamment à des questions de gentrification – que l’on garde toujours en tête – et qui sont présentes dans la façon que l’on a de mener le projet et dans le choix de la programmation également.

Anne Vimeux – De mon côté, je suis arrivée à la notion de mauvais goût en étudiant la peinture par le prisme du cinéma soit l’articulation séquentielle au sein de la toile, les références cinématographiques qui se nichaient dans la narration ou encore des films réalisés par des peintres. Le mauvais goût c’est aussi la question de la marge, d’une posture revalorisée par le « camp » de Susan Sontag. À travers l’œuvre de Nina Childress, j’ai pu continuer à explorer cette notion de la « bonne » ou « mauvaise » peinture, mais aussi de la représentation de la femme, de sa place au sein de ce médium. Depuis, je continue à déconstruire cette esthétique, et la question de la figuration de manière plus élargie en incorporant des recherches post-coloniales et féministes.

Ainsi, notre positionnement curatorial commun se situe autour de la représentation figurative et des questions d’ancrage, de liens au territoire et à ses dynamiques.

Sur le futur…

Après trois ans d’existence, nous assumons aujourd’hui l’articulation du projet comme une entité curatoriale et une galerie. Ces deux missions ne sont pas, pour nous, antinomiques et c’est une question au cœur des espaces marchands tels que les foires aujourd’hui : les booth deviennent des espaces d’exposition avec des propositions fortes et les project spaces et non-profit galeries sont de plus en plus présents.

Au sein de notre espace, nous allons continuer à faire des expositions personnelles et collectives, et nous travaillons sur deux nouveaux projets en parallèle.

Élise Poitevin – Je travaille en ce moment sur le lancement de podcasts, l’idée c’est de pouvoir réfléchir différemment à la diffusion du travail et des recherches menées dans le cadre de notre project space. On se rend compte que les recherches, les discours produits à l’occasion d’expositions, de réflexions sortent peu du lieu, et on a envie de pouvoir les diffuser. Également, par ce biais, il s’agit d’installer un nouveau rapport, un rapport d’écoute et non plus d’écriture/lecture quant à l’ensemble des recherches théoriques et esthétiques produites.

Anne Vimeux – J’initie cette année un travail d’édition et de reproduction d’œuvres avec les artistes associé·e·s à la galerie. L’idée c’est d’explorer avec elleux d’autres moyens de production et de diffusion en accord avec leur pratique. Ce travail donnera lieu à une redéfinition de l’espace puisque la pièce du bar deviendra, au cours de l’année, un bureau et un espace de consultation et de vente. En somme, une place pour le « club » de SISSI.

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