Voiture 14

Discussion menée avec Myriam Mokdes, fondatrice du lieu.

Sur la naissance de…

Il y a tellement à dire ! Voiture 14 est un espace d’expression assez libre, tenu par des artistes pour faire en sorte que des projets puissent exister en dehors des institutions. Des projets plus libres, plus ouverts aux pratiques émergentes et à l’expérimentation. Car c’est avant tout un espace de commencement et d’intégration.

Ce projet est né à la fin de l’année 2018, quand j’étais en 3ème année aux Beaux-Arts de Marseille. J’ai eu l’opportunité d’avoir ce lieu, je me suis rendue compte à quel point avoir un espace était très important pour travailler puis pour créer des projets en invitant des artistes à s’y exprimer. C’était génial pour pouvoir faire des événements publics, inviter des gens, créer ensemble. Le projet est parti comme ça, un peu naïvement.

À ce moment-là à Marseille il n’y avait pas encore ce genre d’espace ouvert. Cette jeune génération n’était pas vraiment considérée. De mon côté j’apprends en faisant les choses au fur et à mesure, je me confronte à plein de paramètres : comment faire avec peu d’argent ? Comment communiquer sur ce que l’on fait ? Comment faire de cet endroit un lieu où le public se sent safe, bien accueilli ? Comment faire de cet endroit un lieu qui vit et s’insère dans un quartier ? Comment avoir un modèle économique pour que continue d’exister cet endroit ?

Sur l’économie…

Aujourd’hui mon modèle économique est fragile parce qu’il repose énormément sur le bénévolat. Je ne suis pas rémunérée pour ce que je fais, et je ne peux pas rémunérer quelqu’un pour m’assister, personnellement je le fais beaucoup par passion mais il faudrait que mon activité me rémunère, sinon sur la durée je ne tiendrai pas. Beaucoup de questions se posent pour trouver un modèle viable : est-ce que je rentre dans un système de subventions ? Est-ce que je veux rester indépendante totalement ?

Alors chez moi, il n’y a pas open bar, ce n’est pas cher mais c’est payant. Pour l’instant mon modèle économique repose sur les sources de revenus du bar et la location de l’espace – pour des artistes, des tournages de films, des shootings etc.

On se débrouille toujours mais ce n’est pas stable… il faut toujours essayer de se débrouiller !

Puis essayer d’être soutenue, mais que ce soutien-là ne soit pas simplement un soutien des politiques territoriales, mais celui des artistes et des publics qui peuvent soutenir à leur échelle les projets, parce que c’est principalement avec elleeux qu’on travaille à faire communauté.

Ce n’est pas mon métier de demander des subventions, de faire des dossiers, j’apprends en le faisant, c’est énormément de travail. C’est aussi un travail totalement différent, assez déconnecté de la création. Ça me concerne mais ça concerne aussi les artistes elleux-mêmes qui en étant indépendant·e·s doivent tout faire elleux-mêmes, c’est beaucoup.

Sur le quartier, le territoire…

Je suis née dans ce quartier, j’ai toujours habité dans ce quartier donc c’est mon quartier. C’est en plein centre, un quartier très populaire, même s’il évolue très vite. M’insérer dans ce quartier ce n’est pas toujours très évident mais je trouve ça très beau d’y rester. Le côté où je suis est assez résidentiel, il ne faut pas finir trop tard et il faut inviter les habitant·e·s du quartier. On s’est inséré par notre présence, en parlant avec celleux qui y habitent, iels sont curieux·ses, c’est cool.

On a fait un cinéma plein air en 2019 sur le square de la Rotonde, juste à côté de la galerie, sur cette jolie place entourée d’immeubles. C’était très chouette !

Je vais régulièrement voir tous les lieux qui s’ouvrent, les restaurants, les ateliers, mêmes ceux qui existaient avant moi, pour essayer de créer des liens. Je le fais assez naturellement.

Sur le nom…

Avant moi, c’était un bar. On m’avait raconté quand j’ai eu le lieu qu’il y avait eu par le passé, une cantine de cheminot, tenu par une mama. On est au 14 Rue des Héros, juste à côté de la gare Saint Charles, et la Voiture 14 c’est toujours la voiture bar de la SNCF.

Je me suis dit : « bon et bien on va l’appeler Voiture 14 ! Ça part ! »

Emma Bruschi, Voiture 14, Murmurations volet I, 2022, à la Friche la Belle de Mai, exposition produite par Fræme

Sur la collaboration…

Je vois ça comme un espace expérimental dans l’endroit où je suis. Un endroit dans lequel on peut expérimenter des formes multiples d’expressions artistiques, en essayant de créer des collaborations et des rencontres, en invitant des artistes pluridisciplinaires à proposer des alternatives aux monstrations institutionnelles. Et en cassant totalement la hiérarchie entre lae galeriste, l’artiste, lae régisseur·euse, lae monteur·euse, lae médiateur·rice, tous·tes les travailleur·euse·s de l’art.

Ayant une formation des Beaux-Arts j’arrive à avoir une proximité avec l’artiste dans la compréhension de son cheminement de création qui est assez intéressant et peut rajouter une plus-value. L’idée c’est de faire la « meilleure » exposition, avec ses compétences et les miennes. Si c’est un·e artiste invité·e, je peux lui montrer les bons plans de ma ville, les richesses de ma ville, les possibilités de cet espace etc. C’est donc un véritable espace de collaboration avec les artistes tout en étant, pour ma part, en background.

L’artiste seul·e pour moi ça n’existe pas, l’idée c’est de créer de la collaboration, entre l’artiste et moi, l’artiste et d’autres artistes, d’autres artistes et le public, des curieux·ses et des habitant·e·s du quartier, des initié·e·s et des non-initié·e·s, des professionnel·le·s de l’art comme des amateur·rice·s etc. L’idée c’est de créer des collaborations sur des projets qui mélangent plusieurs médiums, plusieurs supports, plusieurs disciplines. Et essayer de déconstruire les schémas qu’on a peut-être trop l’habitude de voir, socio-économiques, culturels et ainsi en proposer des alternatives pour faire évoluer la matrice.

Sur le choix, la programmation…

Il y a des artistes, des collectifs et des commissaires qui me contactent par mail. Je suis assez curieuse de tout ce qu’on m’envoie. Parfois ça aboutit à des collaborations, comme avec Contemporaines. Quelquefois c’est moi qui contacte les artistes parce que j’ai envie de les connaitre et dont le travail m’intéresse.

Avec l’expérience j’ai beaucoup appris à leurs côtés, parfois ils dorment à la galerie dans laquelle je vis également. On est un peu colocataires pendant les deux semaines de montage de l’exposition. C’est aussi un lieu que je partage avec mes locataire·rice·s, je loue des espaces d’atelier. Ce sont aussi des collaborations, même si on échange des services, ça reste des collaborations, simplement on trouve l’échange idéal, qui peut être monétaire ou pas. Et comme à Marseille ça manque d’ateliers, il est important que ces espaces puissent être loués et que ça reste pour elleux raisonnable. Au moins le lieu existe même s’il n’y a pas d’exposition, il y a des artistes qui y travaillent.

Sur le futur…

Mes envies…

J’aimerais beaucoup faire des expositions ou des événements ailleurs. Je suis heureuse d’avoir fait ce projet avec Fræme parce que je change de contexte et me confronte à un autre espace, de participer différemment en y étant « invitée », on inverse les rôles, c’est agréable.

La suite, ce sont toujours des expositions à Voiture 14 et un Salon appelé « Systema », une non-profit fair avec que des non-profit spaces de toute l’Europe qu’on invite pour cette première édition au Conservatoire de Musique de Marseille. Nous sommes trois structures à s’être associées dans ce projet : Voiture 14, Giselle’s Books et Gufo. Sur trois jours, les 26,27 et 28 août 2022 en même temps qu’Art-o-Rama. On invite Cordova de Barcelone, Supermala de Lisbonne, Pina de Vienne, The Tail de Bruxelles entre autres.

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